Alain Cocq, 57 ans, atteint d’une maladie orpheline, revient sur son état, son parcours, et sa décision d’en finir, dans un billet tiré d’un entretien Skype mené et retranscrit par François Lambert. Les questions, interventions et précisions de ce dernier sont en italique dans le texte. La parole est libre, seuls les faits qui pouvaient l’être ont été vérifiés.
Table des matières :
L’état médical
La décision de partir
Le choix de ne pas recourir à la sédation profonde et continue
L’anamnèse de la pathologie
Le parcours militant
L’engagement politique
Le contexte politique de la demande
Conclusion
L’état médical
Je viens de faire un malaise, cela fait partie des choses qui vous pourrissent la vie. C’est difficile à définir, envie de vomir, des grosses chaleurs d’un seul coup… C’est pas évident. J’en ai de plus en plus, on fait avec. Malheureusement les vomissements viennent un peu trop souvent à mon goût, ce qui fait que, le peu que j’avale, je ne le garde pas souvent. Je suis nourri par des compléments alimentaires parce que j’ai arraché la sonde naso-gastrique, même si elle m’a permis de reprendre 30 kilos. Le problème pour moi avec elle, c’est que j’ai l’impression d’être gavé comme une oie. Je prends mes compléments juste avant de prendre mes traitements pour ne pas me retourner l’estomac. Je suis loin de ce que je devrais absorber, mais je ne peux pas plus. Je suis reparti dans un mécanisme, je perds des kilos comme il y a deux ans, où en six mois j’en ai perdu 30. Et après ça sera à nouveau : sonde naso-gastrique et nourriture par des poches. Et ça, moi, je ne veux plus.
Je suis sous morphine et sous Kétamine, anesthésiant qu’on utilise dans le cadre des douleurs neuropathiques, molécule extrêmement usitée également par les services d’urgence notamment sur les accidents de la route, où on combine kétamine et morphine pour faire une anesthésie temporaire, le temps par exemple de redresser une facture lors de manipulations extrêmement douloureuses. C’est donc quelque chose que je vis moi 24 heures sur 24. En plus, toutes les 3/4 secondes, j’ai une décharge électrique qui part de la racine des cervicales, qui descend tout le long de la colonne vertébrale, puis qui irradie jusqu’au bout des doigts et des orteils. On ne sait pas d’où ça vient, ce sont des douleurs neuropathiques, c’est le cerveau qui les génère. C’est souvent une manifestation de souffrance extrême du corps. En outre, progressivement, je perds la vue. Et ça, moi je crois que je ne le supporterai pas. Les trois sens qui pour moi sont les plus capitaux sont : l’ouïe, la parole et la vue. Si je devais perdre ces sens, je me foutrai en l’air. Je suis presque sourd, j’ai des appareils que je dois mettre quand des gens viennent à la maison. Avec le casque, je n’en ai pas besoin.
Dans le monde médical, quand il y a des perfusions à longue durée, on « pousse une voie ». C’est-à-dire que ça sort du bras et ça va directement dans une des veines principales du cœur. Les deux fois où on me l’a fait, septicémie. Infection généralisée. Mon corps ne supporte aucun corps étranger, et dès qu’il y en a un, il l’attaque. Vous le voyez, on a été obligés de m’arracher toutes les dents, suite à ma pathologie. J’ai essayé 5 appareils dentaires différents, en matière différente. Je ne peux pas les mettre, au bout de deux jours, j’ai les gencives en sang. Beaucoup de choses qui pourraient éventuellement aider, mon corps les rejette. Par exemple la morphine, on ne peut me prescrire que 50 micro grammes par heure, et pas plus. Au-delà, mon organisme, au lieu de la métaboliser, et donc de l’éliminer, se met à la stocker, et je me retrouve en overdose. Ça m’est arrivé deux fois, on m’a récupéré de justesse avec le Narcan.
Pour parfaire le tout, vu qu’apparemment à la base il s’agirait d’une pathologie vasculaire, et encore on n’en est même pas sûrs, parce-qu’on se pose la question « est-ce la cause ou un symptôme ? », je suis allergique à l’iode. Il suffit qu’on me mette une goutte d’iode sur la main, pour que je sois frappé d’une chute de tension et de convulsions. L’iode sert notamment pour les explorations vasculaires. Quand j’ai fait une ischémie juste après la fourchette des deux artères qui descendent sur les jambes, une sur chaque, ils n’ont explorer comme ils font actuellement, à l’aide d’une artérioscopie. Ils ont été obligés de le faire à l’ancienne, avec une fibre optique pour remonter les artères. Cette allergie est intervenue suite à ma toute première et unique artériographie, faite sous anesthésie locale. La seule chose dont je me souviens : « on l’endort, on le perd ». Depuis cette date, je ne supporte plus une goutte d’iode. Je ne peux plus manger aucun fruit de mer ou poisson, alors que j’adorais ça. Je ne peux pas aller à moins de 25 kilomètres du bord de mer, au-delà ça devient dangereux. Mon corps réagit d’ailleurs tous les 100 mètres en dénivelé. Je suis obligé de faire une pause, le temps que mon corps s’habitue à la variation barométrique. Sinon, à l’arrivée, ce n’est pas beau à voir. Pour les portables, si j’ai le téléphone à l’oreille, au bout de 10 minutes, j’ai un mal de crâne. J’utilise un casque.
Lors de mon premier refus de soin, le Centre hospitalier de Dijon s’est posé la question de savoir si j’étais suicidaire. On m’a mis en observation pendant trois jours, j’ai vu 3 psychiatres, 4 psychologues, et un certain nombre d’infirmiers. Leur avis a été clair : je ne suis pas suicidaire. Je suis même plutôt un bon vivant. Mais pour être bon vivant, encore faut-il avoir une vraie vie.
Je suis au lit depuis deux ans. Jusqu’à il y a un an et demi j’arrivais encore, à de rares occasions, à me mettre dans mon fauteuil électrique, mais c’est fini. J’ai encore l’usage de mes bras, ce qui pour moi est important. Et encore, ça dépend des moments, puisqu’en plus je suis atteint par des états d’hémiplégie, de paraplégie et de tétraplégie. Un exemple tout bête, il y a encore six mois j’arrivais à rouler mes cigarettes, et maintenant c’est quelqu’un qui le fait pour moi. C’est un de mes derniers plaisirs, car, épicurien formé par maître Paul Bocuse, la bonne gastronomie, le bon vin, pour moi, c’était quelque chose d’important. Sinon, il y a des moments j’arrive à me remonter dans le lit, et puis il y a des moments où ça ne passe pas. Donc je fais appel à mes auxiliaires de vie pour qu’ils me remontent.
Pour mes auxiliaires de vie, c’est pas évident. Pour l’un d’eux, j’ai senti que ça n’allait pas passer. J’en ai informé son patron, il l’a rencontré ce matin. Au départ, il avait reconnu qu’il fallait qu’il fasse des efforts, et il a rappelé une heure après en disant : « non, je ne pourrai pas supporter ». Mon rôle à moi, aussi, c’est de préparer mes auxiliaires de vie, et ça a été surtout de détecter ceux qui ne pourraient pas le supporter. Parce-que c’est ma responsabilité. C’est mon droit [de demander à partir], mais par contre je ne tiens pas à ce que les personnels se forcent à rester là et derrière fassent une dépression nerveuse. Je me dois de préserver mes auxiliaires de vie, et tout au long de mes 34 ans de handicap, ça a été mon premier objectif, mon premier souci.
La décision de partir
Il y a quelqu’un chez moi maintenant de 9 heures à 21 heures. Entre 21 heures et 9 heures, j’ai l’alarme. C’est souvent dans ces horaires-là que j’ai des évacuations pour cause de problème grave. J’ai de l’oxygène avec un concentrateur, qui sera arrêté le 4 [septembre], avec tous les autres traitements, sauf la morphine. Mon psychiatre ne s’y oppose pas, mon médecin traitant non plus. Ils savent la torture que c’est pour moi. Ils m’invitent à réfléchir, ce qui est normal, mais ils ne s’y opposent pas.
En chirurgie digestive, on est arrivés au bout du bout de ce qu’on pouvait faire. Le problème, c’est que s’il y avait des solutions, je dirais : « pourquoi pas ? ». Si demain, on me dit : « on a trouvé, vous allez pouvoir marcher, etc », moi je ne dis pas non, loin de là. Mais en l’occurrence, ce n’est pas le cas depuis 34 ans. Et mon état de santé se dégrade de plus en plus.
J’ai une sœur, je connais très bien ses enfants, on a une bonne proximité, j’ai une demi-sœur mais depuis le décès de ma mère, on n’a plus de lien, un demi-frère que je n’ai jamais connu et j’ai les deux fils de ma sœur qui est décédée, dont on a retrouvé récemment la trace. Elle était décédée en 1999, et je ne l’ai appris qu’en 2017/2018, quand j’ai commencé à faire des recherches à la demande de ma mère. On n’a malheureusement pu retrouver leur trace qu’après le décès de ma mère. C’est un regret qu’elle a eu de ne pas pouvoir les rencontrer, mais comme on dit, c’est les incidents de la vie. Aucun d’entre eux ne sera présent le 4 septembre. Je tiens à protéger ma sœur, ça pour moi, c’est quelque chose d’important. Elle a ses enveloppes où elle devra glisser un avis de décès pour les expédier aux différents destinataires, c’est la seule chose qu’elle aura à faire.
J’ai organisé mes obsèques, et tout ce que j’avais à organiser. Mais je n’aurais pas de proches autour de moi au moment où ça va se produire. Seulement mes auxiliaires de vie. Mais il faut dire que nous sommes une deuxième famille, parce-qu’ils passent plus de temps avec moi que chez eux. Je n’ai pas choisi de film ou de musique, j’ai fait 17 ans de danse, du hard rock jusqu’au balais, je suis assez éclectique. Mais je n’ai rien prévu pour le 4 septembre. Pour moi, c’est une journée comme une autre.
Le choix de ne pas recourir à la sédation profonde et continue
Il n’y aura pas de sédation profonde et continue. Le 4 septembre, tout sera arrêté, hormis la morphine, comme je l’ai dit (c’est le seul médicament que j’autoriserai, parce que je ne peux pas non plus tout couper, et que c’est un médicament qu’on ne coupe pas de but en blanc), et les soins de confort que sont la toilette et la protection anti-escarres. C’est le seul moment où ça ne sera pas retransmis [sur sa page Facebook], parce que c’est quand-même l’intime. Le reste sera retransmis, mais sans le son, à la demande de mes auxiliaires de vie. Je veux être conscient jusqu’au bout, même si on ne m’a même pas proposé de sédation. Ça va être une torture mais je veux que nos concitoyens se rendent compte de ce qu’est la majorité des fins de vie en France.
Je vais me faire l’avocat du diable, mais vous avez en France une loi, avec laquelle nous ne sommes pas d’accord vous et moi, mais qui propose la sédation profonde et continue. Si vous la refusez, ils vont vous dire vous n’aviez qu’à l’accepter !
Oui, mais vous n’y avez droit que si vous en êtes au stade final, ce qui n’est pas mon cas !
Si vous arrêtez les traitements et que ça met votre vie en danger, vous y avez le droit.
Il faut bien relire la loi, il ne faut pas confondre la personne ayant sa conscience, et celle qui ne l’a plus. Dans mon cas, je n’y ai pas le droit. Tous les médecins que j’ai consultés me l’ont confirmé. Je ne suis pas dans la phase finale. C’est-à-dire de 8 à 10 jours de la mort. C’est dans ce seul cas que l’on peut avoir la sédation profonde et continue aux termes de la loi.
A partir du moment où vous vous mettez vous-même en phase finale, vous avez le droit à la sédation profonde et continue.
Je n’y ai pas le droit dans mon cas. Mais je suis un cas un peu particulier, puisque je peux continuer à vivre dans les conditions dégradées pendant des années. Or la loi Léonetti, c’est bien dit dans la loi, c’est pour les moments ultimes de la fin de vie.
Non, Vincent [Lambert] il pouvait vivre encore dix ans dans son état.
Alors peut-être qu’à partir d’une certaine dégradation, après l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, là les médecins pourront éventuellement considérer que je peux en bénéficier. Mais initialement, au moment de l’arrêt de l’alimentation, de l’hydratation et des traitements, je n’y ai pas le droit.
Je vais vous dire une chose sur cette loi, excusez-moi, qui m’horripile, on met les gens en sédation profonde, et on nous dit « ils ne souffrent pas ». Ils n’en savent rien. Et on les fait mourir de faim et de soif : on ne les alimente plus, on ne les hydrate plus. Pour moi, ce n’est pas une fin de vie digne. Les médecins ont le droit de vous sauver, mais à quelques rares exceptions, parce que les soins palliatifs, quand on regarde, c’est très peu de cas par an, ils n’ont pas le droit de vous aider à partir. Aider à partir, c’est le soin ultime.
Encore une fois, je voudrais votre réaction à ce que je vous dis quand je me fais l’avocat du diable : une loi a été votée, elle permet de faire en sorte que le patient ne souffre pas, ce sont les auteurs de cette loi qui le disent, mais ils le disent, tout comme ils disent qu’elle permet de faire en sorte que le patient parte dignement avec la sédation profonde et continue. Alain Cocq se filme en train de mourir après en avoir refusé les bénéfices, il filme alors une torture, mais ça ne dit rien sur la loi, ça dit juste quelque chose sur Alain Cocq. C’est ça qu’ils vont vous dire. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
Non, la majeure partie des gens, déjà pour en arriver à la sédation profonde, ils auront vécu tout un parcours de souffrance qu’on leur impose, ce qui est mon cas. Et à l’heure actuelle, tant que je n’ai pas engagé l’arrêt, on ne me proposera pas la sédation profonde. Donc on m’impose, et c’est important, des niveaux de souffrance qui relèveraient en temps de guerre d’actes de barbarie et de torture. Je rappelle qu’aucun Président n’est à l’abri par-devant le Tribunal Pénal International pour ces faits. C’est un fait de droit.
Note : La Cour pénale internationale est une juridiction pénale internationale permanente, et à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre. Les tribunaux internationaux sont créés spécialement pour un cas particulier (ex-Yougoslavie, Rwanda…).
Vous aurez du mal à dire que le Président est responsable de votre maladie.
Dans mon cas il le sera, puisqu’il a été saisi ad hominem, en son nom propre. C’est défendable, on n’entrera pas dans un débat sur les libertés fondamentales, mais c’est un fait de droit.
Mais en plus, on dépense 200 à 300 000 euros par an pour me maintenir en vie, et m’imposer cette souffrance. C’est là le fond du débat. On me maintient artificiellement en vie, en me faisant subir des douleurs dont le niveau relève d’actes de barbarie et de torture, et pour ça on dépense parfois même jusqu’à 500 000 euros par an, avec toutes les interventions qu’il a fallu faire. J’ai eu quand-même 9 interventions lourdes en urgence absolue, par exemple quand mes intestins ont éclaté. Et c’est 6 semaines d’hospitalisation derrière. J’avais fait en outre 7 jours de réanimation, qu’ils avaient dû arrêter car dans mes directives anticipées, je n’avais pas autorisé plus de 7 jours. Ils ne savaient pas si j’allais m’en sortir.
Pour finir sur la sédation profonde, je vous envoie l’article de loi qui concerne votre situation, qui a été créé en 2016 :
Article L. 1110-5-2 du code de la santé publique :
« A la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :
(…)
2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
(…)
A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. »
Je suis tout à fait conscient du fait que j’y ai droit, simplement, pour moi, et nombre de témoignages que j’ai vont dans le même sens, jusqu’à la dernière minute, je veux être conscient. Et quand je décide que ça doit s’arrêter, je veux prendre un cachet, m’endormir et c’est fini.
L’anamnèse de la pathologie
Le diagnostic de l’existence d’une pathologie orpheline a été fait il y a 34 ans. Mais les symptômes ont commencé à se manifester avant. En réfléchissant, les premiers signes que j’ai eu sont apparus durant l’année scolaire 75/76, à l’âge de 12 ans. Je faisais des convulsions, j’avais des phases d’aphasie, des ganglions qui apparaissaient mais on ne savait pas à quoi ça correspondait, etc. J’ai traîné ça jusqu’en 1986 où là les choses se sont révélées sous leur vrai jour.
J’étais en stage de formation continue de six mois dans le cadre de mon métier de plombier-chauffagiste-électricien-zingueur. En descendant un escalier verglacé, j’ai le genou qui s’est mis à l’équerre. Je l’ai replacé. J’ai été élevé à la dure. C’est ce qui m’a permis de tenir et de faire tout ce que j’ai fait. Ça et l’humour. Porter un regard humoristique sur la situation permet d’appréhender, mais surtout de dépasser. Bref, j’ai quand-même signalé l’accident parce que j’avais mal. Je suis allé voir le médecin, il m’a fait un arrêt de travail, puis au bout de deux mois, comme on n’arrivait pas à me toucher le genou, j’ai été voir un chirurgien. Quand il m’a touché le genou, il s’est retrouvé de l’autre côté de son cabinet. Mon poing lui avait tapé l’épaule, il avait volé à travers la pièce. Je m’en suis excusé, mais on ne pouvait pas me toucher le genou à ce niveau-là. Pour que je réagisse comme ça, je peux vous dire que la douleur était vraiment violente, parce que j’ai été habitué à passer au-dessus.
On m’a fait une arthroscopie, elle se déroule sous anesthésie générale. Une heure après, le chirurgien vient me voir pour me dire que tout s’est bien passé. Mais une heure après, j’appelais l’infirmière : la jambe était noire en ischémie. Transfert au CHU, appel d’urgence du Professeur David, premier médecin à Dijon à avoir réalisé une transplantation cardiaque, donc une pointure dans son domaine, il a pu documenter immédiatement, prendre des photos, joindre des résultats de Dopler, etc, etc. Ça partait, ça revenait, ça partait, ça revenait, il ne comprenait pas. J’ai été hospitalisé pendant deux mois, des examens en veux-tu en voilà. Il a mis les moyens.
Mais je tiens à préciser que le médecin n’a qu’une obligation, c’est une obligation de moyen, et non de résultat. On n’est pas des machines ou des voitures, où on change le carburateur quand il déconne. C’est un peu le reproche que maintenant je ferai aux patients. « Bais vous me le changez et puis ça repart », sauf que le corps humain ce n’est pas ça.
On me transfère en chirurgie vasculaire, et le Professeur David vient et me dit : « si ça continue comme ça, vous en avez pour quinze jours ». Il a été direct, c’était l’époque où le pacha s’exprimait avec sa Cour autour. Si on m’avait mis des pourtours, je n’aurai pas réagi comme j’ai réagi, et en fin de compte, je n’aurai pas vécu les 34 ans que j’ai vécu. J’étais déjà sportif, j’avais pour règle de manger la vie à pleine dent. Le fait qu’on me dise ça, ça m’a foutu la rage, comme on dit. Ça m’a mis en colère. Je me suis dit, puisqu’on me donne 15 jours, peut-être un peu plus on ne sait pas, je vais vivre chaque jour pleinement. Et c’est comme ça que tout a commencé.
Le parcours militant
Janvier 1993, j’ai fondé avec 4 amis (et nos réseaux) les OSPMH (Opérations Spéciales de Promotion du Monde du Handicap). Le but est le traitement des inductances liées à l’intégration et à la non-intégration du monde du handicap dans la société, sous tous ses angles, et la prévention des handicaps sous toutes ses formes.
Après, on a récolté nos données, on s’est rendus compte qu’en Europe, il n’y avait absolument rien pour les personnes en situation de handicap. Je parle de handicap médical mais aussi de handicap sociétale, c’est-à-dire les personnes qui ne peuvent plus suivre l’école, qui ne savent ni lire ni écrire, qui n’ont aucune approche de l’informatique. Ce sont des handicaps dans la société qui sont aussi importants à la limite que mon handicap lourd. Quand on est illettrés, ne pas en plus maîtriser l’outil informatique, cela revient à avoir un handicap lourd comme le mien : vous vous mettez sur une chaise, vous regardez le monde tourner, mais vous ne comprenez pas ce qu’il se passe. Ce serait le cas de 30 à 40 % des personnes au RSA selon une étude de 2000. En outre, les handicaps souvent se combinent. J’ai pu monter un réseau de formation pour retaper les épaves d’ordinateurs dans les années 2000 à Dijon, ce qui a permis à un certain nombre de personnes d’apprendre à lire, à écrire, et à maîtriser l’outil informatique. C’est-à-dire à les sortir de ce handicap. J’ai grâce à ça pu équiper en ordinateurs le Secours catholique, et les Restos du cœur.
Donc nous traitons de tous les handicaps. En France, les handicaps moyens à lourds, c’est 8 millions de citoyens. J’intègre dedans la grande dépendance, car cette barrière de l’âge me gêne énormément, une personne âgée dépendante est handicapée, on utilise juste un autre mot pour faire baisser les chiffres, le nombre de personnes concernées. Je connais les politiques, je suis un responsable politique moi-même. Et j’utilise l’expression « monde du handicap », car lorsqu’une personne est touchée, c’est tout le noyau familial qui se retrouve en situation de handicap et de faiblesse. Ça, c’est ce que le monde politique n’a pas su appréhender.
En Europe, c’est 85 millions de personnes qui ont un handicap moyen à lourd, et dans le monde, c’est 1 milliard de personnes. C’est une étude de 1993.
Vu le peu de traitements qui étaient faits sur les personnes en situation de handicap, j’ai décidé de faire en 1993, en fauteuil, Dijon-Strasbourg. C’est-à-dire rallier de mon lieu de résidence la Cour européenne des droits de l’Homme. Il ne s’agissait pas d’engager une procédure, mais juste de mener une action symbolique pour dénoncer l’absence de traitements réels d’inclusion des personnes en situation de handicap en Europe. Quand je suis rentré à Dijon, l’association APF France Handicap m’a invité sur son stand à la foire de Dijon. Je tombe sur un journaliste du Bien Public, qui me pose la question : « Et maintenant ? ». Je le regarde, et deux secondes après, je lui réponds : « le tour de France » ; « Date de départ ? », « 22 janvier, jour de mon anniversaire ». Nous étions en octobre, rien n’était prêt. En deux mois et demi j’ai organisé toutes les étapes, j’ai été aidé par l’APF et la Croix-Rouge. Il n’y a eu qu’un raté, où la mairie de la ville d’étape nous a finalement hébergé. Ayant à l’époque un claquage au bras, il m’est arrivé de me faire remorquer avec mon fauteuil. Parfois, il faut savoir lever le pied pour aller plus loin.
Avec mes amis avec lesquels on avait fondés les OSPMH, on s’est demandés ce qu’on allait proposer avec ce tour de France. Nous nous sommes enfermés 48 heures, on a dû dormir 3/4 heures en tout, et on a présenté un projet de loi, dans les grandes lignes. On n’a pas été dans la virgule du texte, le but n’était pas là, ce n’était pas notre métier. Mais avec les renseignements qu’on avait récupérés, on avait structuré un avant projet de loi, qui est devenu quelques années plus tard la loi du 11 février 2005 [loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées].
Lors des discussions sur la loi, j’ai regardé de loin, comme à mon habitude. J’ai préféré laisser faire les personnes représentatives. Par contre, quand quelque chose clochait, je le faisais savoir par ricochet. Les OSPMH ne communiquent jamais directement, mais toujours par ricochet, dans un but précis : ne pas être pollués, pouvoir récupérer les informations telles qu’elles sont et ne pas avoir de personnes qui viendraient influencer les membres qui récupèrent ces informations. On travaille sur la base de l’invisibilité. Je suis le seul à avoir le droit de m’exprimer au nom des OSPMH. J’ai déjà remis mon mandat du droit de veto à la personne qui va me succéder.
Pour moi, ça, c’est une réussite. Mais je suis en colère parce que, depuis, un certain nombre de gouvernements se sont évertués à détruire cette loi, même si d’autres ont essayé de la renforcer. Par exemple, jusqu’à maintenant, une personne handicapée vivant seule chez elle avait droit au complément de ressource, qui amenait un revenu de 910 euros par mois. Pour les nouveaux dossiers, cela a été purement et simplement supprimé, et pour ceux qui en bénéficient, c’est prorogé sur 10 ans et après ça disparaîtra.
Si j’ai pu arriver à faire tout ce que j’ai fait, les OSPMH qui ont 4 500 000 personnes, et si derrière j’ai le soutien d’énormément de personnes individuelles, d’associations, etc, c’est parce que j’ai mené un travail de réseau. Je ne suis qu’une goutte d’eau, et une multitude de gouttes d’eau sont venues m’épauler. Tout seul, je ne suis rien. Toute ma vie, j’ai fait un travail de fond pour que les gens comprennent ce qu’est le handicap et ce qu’est la vie avec un handicap, les points négatifs, les points positifs. De manière à ce qu’ils se préparent quand ça leur arrivera. Qu’ils n’entrent pas comme moi dans un monde inconnu. Que quelque chose soit prévu pour les accueillir, pour les guider, etc. Moi, quand ça m’est arrivé, il n’y avait rien, mais alors rien de rien ! C’était la rase campagne, on venait de faucher les blés et puis c’était fini.
J’ai quatre surnoms, les deux premiers m’ont été donnés par mes amis :
– MacGuyver, parce-qu’avec pas grand-chose, je fais énormément de choses ;
– Bulldozer, parce que quand je suis en route, pour m’arrêter…
Le troisième vient de mes adversaires politiques, qui m’ont surnommé TNT, alors que je suis contre la violence. Simplement : « quand on essaie de te manipuler, tu redeviens à l’état liquide ». Et qu’est-ce que le TNT à l’état liquide ? C’est de la nitroglycérine. Donc ça pète dans la gueule de celui qui me manipule. Quelque part, c’est un hommage à mon intégrité.
Le dernier surnom, c’est la presse qui me l’a donné. Elle m’a surnommé pitbull : « quand vous tenez un os, vous ne le lâchez pas ». Et ça me définit aussi.
Et au travers de ces 4 surnoms, on m’a à peu près défini en globalité.
En 1996, dès le premier Téléthon, je me suis engagé. Le centre de promesse à l’époque se trouvait au premier étage de la mairie annexe des Grésilles [quartier de Dijon], inaccessible en fauteuil. J’ai donc monté l’escalier sur le postérieur en tirant mon fauteuil, sur lequel je suis remonté une fois en haut. Ça a surpris les gens, mais j’étais hyper heureux. Parce-qu’ils se sont rendus compte de ce qu’il avait fallu que je dépasse. L’escalier faisait quand-même une quarantaine de marches, et avec le fauteuil à tirer, je n’avais plus qu’une main de libre sur laquelle m’appuyer. Depuis ce jour-là, excepté ces deux dernières années où pour raisons de santé je n’ai pas pu m’y rendre, je n’ai jamais manqué un Téléthon au centre d’appel de Dijon. C’est le dépassement du handicap, la démarche d’apporter une solution, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à une personne qui est malheureusement née avec une maladie génétique. J’étais en 1996 avec le jeune Alan, que je suis toujours d’ailleurs à distance, atteint de la myopathie de Duchenne. Grâce aux avancées de la médecine, alors qu’il n’avait que quelques années à vivre, maintenant il doit approcher ses 30 ans, et il est en couple. Ça, pour moi, c’est une victoire. De la médecine, et de l’ensemble des citoyens. C’est la preuve que quand on peut se mettre tous ensemble, on est capables d’abattre des montagnes. Certes, ça demande du temps, mais on y arrive. Et ça, pour moi, c’est l’important. C’est ça aussi la cohésion d’un peuple.
Pour en revenir au handicap de façon plus générale, en 1998, je voyais qu’au niveau européen et international, ça ne bougeait pas. En France, ça commençait à frétiller dirais-je. J’ai compris qu’il fallait taper sur l’Europe. C’est là que j’ai fait mon premier raid sur l’Europe. Donc je suis parti de Dijon avec ma gueule enfarinée en me disant : « je fais Dijon – Paris en fauteuil, avec mes deux chiennes d’assistance ». Une fois arrivé à Paris, j’ai annoncé que j’allais à Bruxelles. Avant de quitter Paris, j’ai voulu rendre hommage aux morts pour la Nation. Je suis arrivé place de l’Étoile, je l’ai traversée, les policiers étaient surpris et m’ont demandé pourquoi je ne prenais pas le tunnel. Je répondais : « Monsieur, vous m’excuserez, mais le tunnel n’est pas accessible ». J’ai rendu hommage devant la flamme, en civil, sans saluer mais en relevant la tête. Une fois fini, les policiers ont bloqué la circulation pour que je puisse traverser la place, alors que j’étais tous les jours sur la route en fauteuil !
Je suis arrivé à Bruxelles. On m’a amené auprès des commissaires européens dans la salle de repos de la Commission. Nous avons parlé, le programme Helios venait de se finir [programme d’action communautaire appliqué entre 1988 et 1991]. J’ai dit : « on ne peut pas en rester là ». Peu de temps après a été décidé la prolongation du programme Helios par le programme Helios II [initié en 1991]. Qui a amené la création de la commission Handicap au sein de la Commission européenne.
Là, j’annonce à une journaliste avec laquelle j’avais rendez-vous, que mon tour continuait. C’était en réalité un raid à travers l’Europe, qui allait passer par l’Allemagne, la Tchéquie, l’Autriche, de nouveau l’Allemagne, puis la Suisse. But : rencontrer le directeur du Palais des Nations [siège européen des Nations unies]. Je suis reparti. Je n’ai pas pu faire l’étape Bonn-Berlin-Tchéquie, à cause de la blessure d’une de mes chiennes, qui avait marché sur du verre. Je suis reparti de Vienne. A Genève, on m’a amené au Président du palais des Nations, qui est le sous-secrétaire général des Nations unies. Le Président a été surpris lorsque je lui ai annoncé le résultat de notre enquête : au niveau mondial, il y avait un milliard de personnes en situation de handicap. Il a pris la décision de créer un groupe de travail. Je n’y ai pas participé, j’y ai des contacts, mais je me maintiens à l’écart. C’est leur travail, pas le mien. Des résultats de cette commission de travail est née la convention internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée par l’Assemblée plénière des Nations unies en 2006, ratifiée par la France en février 2010 et entrée en vigueur en mars 2010. Je suis l’étincelle qui a déclenché le travail, mais je ne suis pas le réalisateur. Je tiens à le préciser.
J’ai ensuite fait un second tour d’Europe en 2000. Toujours pour la sensibilisation et une prise de conscience d’harmonisation au niveau européen du droit, qu’un handicapé pouvait apporter de la valeur ajoutée à la société. C’était une boucle, sans destination. Mon but était le changement du regard relatif aux handicaps. Je suis passé par d’autres voies, dont l’Italie et la Suisse. Je peux vous dire que le col du Grand-Saint-Bernard en fauteuil, avec une remorque de 150 kilos derrière, c’est hard.
En 2008, j’ai constaté tant sur moi que sur d’autres des dysfonctionnements de la nouvelle loi de la PCH [prestation de compensation du handicap], et que d’un département à l’autre, c’était du grand n’importe quoi. J’ai fait un tour de France pour dénoncer cela, et ensuite j’ai été en Allemagne où j’ai remonté la vallée de la Ruhr jusqu’à la Hollande.
L’engagement politique
A mon retour en France, à Lille plus précisément, et toujours en 2008, il y avait Jean-Louis Fontaine [Président du Collectif des Démocrates Handicapés, CDH], et des représentants de la ville de Paris. J’ai pris la décision de m’engager aux côtés de Jean-Louis Fontaine. J’ai été nommé conseiller aux affaires européennes du CDH. On a monté une liste aux élections sénatoriales, celles de 2011, si mes souvenirs sont bons. On a eu 1 voix, sur les 8 qui étaient disponibles, ce qui était bien pour un petit parti comme le nôtre. Je suis devenu ensuite vice-Président du CDH. A la mort de Jean-Louis Fontaine, on a décidé de refondre le CDH. Puis, pour des raisons financières, le parti a disparu.
J’ai entre-temps rallié le PS, j’ai porté la campagne de 2012, puis la campagne du Congrès de Toulouse, toujours en 2012, puisque j’étais le représentant de la motion 4 [dont le premier signataire était Stéphane Hessel]. J’ai été élu au Conseil national du PS. Je n’ai jamais été un homme de tribune. J’étais un homme de couloir, pour rapporter et faire remonter les informations sur la réalité politique du terrain. Pour moi, c’était naturel, car je n’ai jamais couru après un mandat. J’ai rejoint la commission Handicap et exclusion, j’ai travaillé sur une charte Handicap à direction des adhérents, car il n’en existait que pour les salariés du Parti. Je me suis fait aider pour les handicaps avec lesquels je n’étais pas familier. Le Parti socialiste est ainsi le seul parti de France à avoir une charte handicap à direction de ses militants et sympathisants. En 2015, lors du renouvellement du Conseil national, j’ai été signataire de la liste de Florence Augier, mais je ne me suis pas enregistré comme candidat à quelque instance que ce soit. J’avais le pressentiment que mon état de santé allait se dégrader. Un mois après, ça a été la cascade, les opérations, toutes en urgence absolue, et le reste. Occlusion intestinale, torsion de l’intestin, occlusion, torsion…
A ce moment-là, je n’avais pas encore pris ma décision. Je crois qu’elle a mûri pendant le confinement. C’est un cheminement, mais toute ma vie, tout ce que j’ai fait, c’est toujours parti d’une chose : j’ai senti qu’il fallait que je le fasse au fond de mes tripes. Je suis quelqu’un qui ne regarde pas derrière. Ce qui est passé est passé, maintenant je regarde devant. C’est peut-être aussi pour ça que j’ai une certaine liberté de parole, et de la profondeur dans mes analyses.
Et par rapport à ça, j’enlève tout ce qui touche au matériel. Les affaires, entre mes mains, n’ont toujours été que de passage. Je ne me suis jamais considéré comme propriétaire de telle ou telle chose. Pour moi, la vie me les a confiées, pour le temps que j’en ai besoin.
Je suis arrivé à un stade où je contacte les gens par internet, par Skype, mais c’est pas ça avoir une vie sociale. Je ne peux plus participer aux réunions auxquelles je participais, apporter mon point de vue, être « le poil à gratter » comme on m’appelait au PS.
Le contexte politique de la demande
Vous qui aimez bien le poil à gratter, je vous propose de terminer par une petite question politique. On a dit que Vincent Humbert avait demandé au Président Jacques Chirac d’autoriser un médecin à l’euthanasier. Chantal Sébire, en plus d’une demande en justice, a demandé au Président Nicolas Sarkozy à pouvoir bénéficier d’une euthanasie, comme vous le faites sous Emmanuel Macron, même si, comme je vous l’ai dit, juridiquement ça ne tient pas la route. Le Président de la cinquième République a beaucoup de pouvoir, mais heureusement il ne peut pas pratiquer une sélection sur dossier de qui peut vivre et de qui peut mourir. Ce serait totalement arbitraire. Quoi qu’il en soit, tous les demandeurs étaient proches de l’ADMD, elle-même proche du Parti socialiste. Il se trouve que quand François Hollande était Président de la République, personne ne lui a rien demandé. Comment vous l’expliquez ?
Je vais vous répondre tout simplement parce-qu’il faut un certain courage. Il faut pouvoir se projeter en public. Les gens préfèrent partir dans la discrétion. En se pendant, en prenant une arme à feu. Un époux, c’est arrivé il y a encore très peu de temps, il est en prison d’ailleurs l’époux [l’enquête est toujours en cours, les circonstances ou les raisons du passage à l’acte ne sont pas encore établies], il a tué sa femme qui était à un stade très avancé d’Alzheimer. Il a voulu retourner le fusil contre lui, et il s’est loupé. Il faut savoir que malheureusement dans nos campagnes, c’est monnaie courante chez les personnes âgées.
Pour ce qui est des cas comme le mien, c’est un contexte, c’est la rencontre d’une personne et d’une situation qui amène à cela. Moi en 2015, je n’étais pas du tout dans cette optique. J’ai commencé en 2018 à y réfléchir.
Donc vous pensez qu’il n’y avait pas un seul cas en France sous la Présidence de François Hollande ? Vous ne pensez pas que c’est un tout petit peu politique ? Il y en a un par mandat, sauf quand c’est un socialiste au pouvoir.
Pour Chantal Sébire, c’est arrivé sous Nicolas Sarkozy, mais si c’était arrivé après, elle aurait fait la même demande.
Mais est-ce qu’elle aurait été autant soutenue par l’ADMD par exemple ?
Ça, je n’en sais rien. Moi, ça se serait présenté en 2014, François Hollande ou pas, ça aurait été la même démarche. Sous François Hollande, on a rediscuté la loi Léonetti. Les directives anticipées, c’est une avancée. Malheureusement, les médecins, du haut de leur mirador, ils s’assoient dessus.
Pour moi, l’intérêt de ce combat, c’est rappeler aussi aux médecins qu’ils ont l’obligation de moyens, mais qu’ils n’ont pas l’obligation de soins. Ils doivent peser le pour et le contre avant de sauver quelqu’un. En sauvant quelqu’un, ils doivent savoir en conscience les répercussions que ça va avoir sur la vie de la personne. Et malheureusement, beaucoup de médecins ne se rendent pas compte de l’action qu’ils engagent, au moment où ils l’engagent, et ça a été le cas pour moi, plusieurs fois, puisqu’ils ont par trois fois outrepassé mes directives anticipées d’interdiction de réanimation. Ils se prennent pour Dieu : « je vais sauver cette personne ». Et une fois que la personne est sauvée, elle doit se démerder dans l’état dans lequel elle se retrouve. C’est ça mon combat : savoir quand il faut laisser partir une personne. Avant on avait les pachas, maintenant ils se croient Dieu.
Votre combat est très juste, l’aspect juridique, à la limite on s’en moque que ce soit viable ou pas, parce que vous posez une question plus vaste, et c’est une très bonne chose.
Voilà.
Je vous dis juste qu’il y a quelque chose d’étonnant à formuler une demande totalement inconséquente, et même aberrante juridiquement, systématiquement à des Présidents de la République quand ils ne sont pas au PS, et à ne pas faire de telles demandes quand c’est un Président PS.
Je tiens à apporter une précision : je suis membre de l’ADMD, mais je suis aussi membre d’Ultime liberté, comme je suis membre de l’APF, comme je suis membre de l’AFM [Association française contre les myopathies]. Donc je ne suis pas plus impliqué que ça. C’est moi qui ai appelé l’ADMD, et non l’inverse. C’est la même chose pour Ultime liberté.
Conclusion
Pour finir, je reprendrai l’expression qu’a utilisée François de Closets aux Grandes Gueules, en parlant de la fin de vie et de pourquoi j’entamais ma démarche, dans un débat empreint de justesse et de respect (j’ai apprécié) : « on naît en République, on meurt en théocratie ». C’est une expression que je reprends à 100 %.